Moments
marquants de l´histoire
des studios d´enregistrement
à
Montréal et liens avec l´évolution de
l´industrie du disque
1900-1920
Premier
studio à Montréal à l´ère acoustique
Textes, recherches,
numérisation, photographies, édition et entrevues
réalisés
par Christian Lewis
1900
Ouverture
du premier magasin Berliner de disques et de gramophones à
Montréal, sur la rue
Sainte-Catherine Ouest.
1900
La
Berliner Gram-O-Phone fait paraître en décembre, dans le
quotidien montréalais La
Patrie la plus
ancienne publicité de disques en
français au pays.
1901
La
production de masse des cylindres est désormais possible
grâce au
principe de
moulage dans la cire. Auparavant, Edison avait trouvé un moyen
de relier un
appareil maître à 125 cylindres gravés en
même temps.
1901
Trois
modèles de gramophone de Berliner sont vendus au Canada. Le
gramophone – jouet
se vend 4$, le modèle Grand se vend 40$; un autre modèle
à 15$ est aussi
proposé.

Publicité de Berliner Gram-O-Phone, 1901
1903
Ouverture
d’un studio d’enregistrement à Montréal sur la rue Peel
par le fils d’Emile
Berliner, Herbert. L’aventure dure un an. Les premiers artistes
enregistrés à Montréal
sont d’origine française : Henri Cartal et Fertinel, de
l’école du
vaudeville, propose un répertoire grivois. L. Loiseau et
Joseph Saucier
seraient parmi les
premiers artistes québécois à enregistrer des
disques, notamment La
Marseillaise, enregistrement entièrement fait au Canada, en
1904 (cela est contesté toutefois). La
plupart des artistes canadiens enregistraient à
l’extérieur
du pays, dont Emma
Albani et Henry Burr. La plupart des premiers chanteurs
enregistrés avaient une
formation classique. L’excellente projection de leurs voix,
absorbée par le
diaphragme, créait un signal plus
fort
qui donnait de meilleures gravures. Ces interprètes se devaient
d’être
polyvalents : folklore, opérette, musique de salon, chant
patriotique,
musique sacrée, romances.
1904
Devant
les succès de la petite entreprise de Berliner à
Montréal, une compagnie est
constituée : la Berliner Gramophone Company of Canada.
Il s’agit en
fait d’une nouvelle charte de la même
compagnie. Herbert Berliner
devint un des actionnaires.
1906
Joseph
Saucier et Édouard LeBel enregistrent à Camden au New
Jersey pour la compagnie
Victor. Plus tard, Rosario Bourdon devint arrangeur et chef chez Victor
à New
York. La chanteuse d’opéra Éva Gauthier fera aussi partie
du catalogue.

Rosario Bourdon, chef chez Victor
à New
York
1906
La
Berliner Gramophone Company of Canada achète un terrain au coin
des rues Lenoir
et Saint-Antoine, dans le but de construire une nouvelle usine. Le
rythme
de croissance est excellent, grâce
à
une relation serrée avec les concessionnaires Berliner qui ne
peuvent vendre
d’autres produits. La Berliner, sous la direction de Emmanuel Blout,
Joseph
Sanders et Herbert Samuel Berliner (fils d'Emile), décide des
prix et interdit
les rabais sous peine de poursuite.
1908
à 1912
Edison
propose une série d’artistes canadiens-français sur
l’étiquette Amberol, dont
Hector Pellerin, Paul Dufault et Joseph Saucier. Le disque étant
un produit de
luxe destiné à la bourgeoisie, la musique classique
dominera les ventes
jusqu’en 1920 environ.
1913
Victor
installe un studio à Carnegie Hall à New York.
Enveloppe Victor d'un
enregistrement local
1914
La
Berliner Gramophone Company of Canada engage 150 employés
à Montréal. La
compagnie domine le marché canadien de l’industrie du disque. Sa
production
d’appareils et de produits en 1917 augmentera de 217%, ne suffisant
plus à la
demande. Elle se sert du nom Gram-O-Phone pour
distribuer ses produits.
1915
à 1923
Columbia
inaugure un catalogue d’artistes canadiens-français. Il s'agit
de
la série E (ethnic) dont la division
francophone est sous la direction
du canadien-français Roméo Beaudry. On propose les
chanteurs Louis
Chartier et Joseph Saucier, et les artistes de variétés
Hector Pellerin
(baryton) et Elzéar Hamel, afin de séduire la
clientèle francophone installée
en Nouvelle-Angleterre depuis 1850. Les artistes enregistrent à
New York avec
des orchestres de grand calibre. Conrad Gauthier enregistre en 1919
pour cette
compagnie. Ce folkloriste et l´humoriste Elzéar Hamel,
alias le Père
Ladébauche, enregistrent avec l’accent d’ici, ce qui est nouveau
dans ce
paysage culturel dominé par l’influence de la France, des
États-Unis et
de l’Angleterre.
1915
Au
début du XXe siècle, les premiers bonimenteurs au
Québec présentant des films
muets, sont des professionnels du spectacle (chanson, comédie,
variétés,
burlesque…); plusieurs sont devenus populaires et ont enregistré
des disques
dont Hector Pellerin, musicien, bonimenteur et pionnier du disque et de
la
radio (CKAC); Pellerin fait des adaptations américaines (de
Roméo Beaudry
notamment), du répertoire de café-concert ou de cabaret,
ainsi que des romances. Beaudry
utilise des expressions d’ici, notamment dans Y mouillera p'us
pantoute. Pellerin
enregistre cette
année-là, quand le
burlesque devient populaire, des chansons et des monologues sur
l’étiquette
Starr-Gennett.
1916
à 1934
Herbert
Berliner crée une série sur l’étiquette His
Master’s Voice consacrée aux
artistes canadiens-français dont Hector Pellerin, Paul Dufault,
le professeur
Ladébauche, Henri Prieur, André Descart, José
Delaquerrière, Arthur- Joseph
Boulay et Charles Dalberty. De la musique instrumentale, classique et
populaire,
est aussi publiée : Henri Miro, Raoul Duquette, Albert
Chamberland, Willie
Eckstein, Harry Thomas et l’ensemble de Montréal Venetian
Garden. Herbert
Berliner aurait même enregistré George Gershwin, jeune
pianiste substitut
appelé alors Lew Gershwin.
1916
Marius
Barbeau commence à enregistrer sur le terrain des traditions
orales et
musicales en voie de disparition. À l'aide d'enregistrements
sonores faits avec un phonographe, il collecte les contes et
les
musiques traditionnelles amérindienne et
canadienne-française. La collection
Barbeau est au Musée des civilisations à Gatineau. Il
enregistre le début puis
prend en sténo le reste (les supports étant relativement
chers et d'une durée
plutôt courte). Le matériel utilisé pour les
collectes dans la première moitié
du XXe siècle était lourd.
1918
Herbert
Berliner fonde la Compo Company à Lachine, afin de presser les
disques des
concurrents faisant affaire au Canada. Une
première entente est conclue avec
Phonola (lié à la Pollock Manufacturing
Company qui distribue Odeon, première
compagnie de disques canadienne devenue allemande). Puis dès 1919, un accord est
signé
avec Gennett de la compagnie Starr Piano Company. Plus
tard, les
compagnies Banner,
Regal, Domino, Crown, Royal, Sterling, Melotone, Lucky Strike,
Brunswick et
Decca feront presser leurs disques chez Compo. L’enregistrement des
matrices
était réalisé à l’étranger, mais
parfois à Montréal. Compo
produit ses propres disques Apex, Radia-Tone, Sun, et à partir
de 1923, des disques de jazz
pour
le marché noir américain (appelés à
l´époque Race Records) de marque Ajax. Certains disques 78 tours gravés
à Montréal
comportaient environ 20% plus de sillons, préfigurant de
façon modeste le
disque à plus longue durée. La Peate Musical Manufacturing Co. fait concurrence à la Berliner.
Elle
produit des disques pour l’étiquette York avec des matrices
faites aux
États-Unis.
1918
Plusieurs
compagnies s’installent à Montréal ces
années-là pour concurrencer Berliner
dont la protection du brevet canadien expire. Roméo
Beaudry devient directeur
de la section française de la Starr Company of Canada, qui
produira le plus
grand nombre de disques canadiens-français en 1924. Il obtient
ce
poste grâce à ses
multiples expériences de représentant pour la Starr Sales
Company, de
consultant pour la Columbia Gramophone de New York (qui voulait,
avec la
série E citée plus haut, pénétrer le
marché de la communauté francophone de la
Nouvelle-Angleterre), de critique
musical et de gérant chez le fabricant J. Donat Langelier.
À la même époque,
Herbert Berliner ouvre à Lachine (sur l´île
de Montréal) l'usine de
pressage Compo. Beaudry lui octroie, en 1919, le contrat de pressage de
toute
la production de disques Gennett à partir de matrices faites aux
États-Unis.
D’autres
fabricants de phonographes, à part Langelier, s’installent
à Montréal :
Prattephone Co., Melodia Company of Canada, la Dominion Phonograph Co,
puis la
Windsor Phonograph and Record Company qui fabrique aussi des disques.
1918
Guglielmo
Marconi fonde la Canadian Marconi Wireless Telegraph Company sur la rue
Williams à Montréal. Il obtient en 1914 une licence
expérimentale de diffusion
par ondes radio. Il met sur pied la première station de radio
publique au
monde, XWA qui devient CFCF un an plus tard. On utilise un gramophone
Berliner
pour diffuser. Herbert Berliner fait la promotion de son catalogue de
disques
sous étiquette His Master’s Voice (HMV) à cette station.
Dès 1920, la Berliner
Gramophone Company of Canada commandite sur une base hebdomadaire les
concerts
Victrola à l´émission His Master’s Voice
Victrola Concerts.
Publicité
de la Berliner Gram-O-Phone, de Victor et de Victrolas, 1912
1919
Poussés
par la compétition de la radio, les ingénieurs en
Angleterre et ailleurs
cherchent des solutions pour améliorer la dynamique et le
spectre des
fréquences des disques. Deux anciens officiers de la Royal Air
Force, Horace O.
Merriman et Lionel Guest, expérimentent l'enregistrement
électrique, puis réalisent
en 1920 un premier essai
d’enregistrement électrique commercial avec quatre microphones
dispersés à
l’intérieur de l’Abbaye de Westminster. En 1924, le
procédé sera raffiné par
les ingénieurs des compagnies Western Electric et Bell, dont
Joseph Maxfield et
H. C. Harrison, reproduisant d'abord
entre 100 et 5000 Hz puis en 1934 entre 50 et 8000 Hz environ. On peut
enfin
entendre les fondamentales des instruments de basse fréquence
et une meilleure
définition des instruments de haute fréquence, ce qui
permet de percevoir les
phonèmes de la consonne «S» plus clairement. Les
musiciens pourront travailler
dans des conditions plus confortables, et même à partir de
la fin des années
1920, enregistrer en direct à l’extérieur des studios,
profitant de
l’acoustique naturelle. Les premiers microphones sont munis de morceaux
de
carbone assujettis à un courant. Afin d’écouler leurs
inventaires de disques
enregistrés de façon acoustique,
les
compagnies retardèrent la mise en marché de ce nouveau
procédé, jusqu’à ce que
la radio fasse concurrence à la qualité sonore des
anciens disques.
Publicité
de Turcot à Montréal, Victor et Victrolas, 1922

Publicité du
gramophone Orpheolian,
1922
Usine
Pratte, 1910
Collections de
Bibliothèque et Archives
nationales du Québec (BANQ),
|
Liens vers des
extraits d´entrevues
et images
* Photographies des
collections de la Phonothèque québécoise, de
Bibliothèque et Archives
nationales du Québec, des archives des studios et des archives
personnelles des
invités

Gramophone ,
début XXe siècle

Phonographe Edison

Gramophone Berliner, 1901
Studio Edison, 1900

Publicité de Berliner Gram-O-Phone
dans le journal la Patrie,
1901

Studio, avant 1920 circa

Enveloppe avec une promotion d´un gramophone
HMV
Enveloppe Edison
Publicité de Dupuis frères et Columbia, 1919

Enveloppe
avec une promotion de gramophones
enregistrement
sur le terrain de l´ethnomusicologue Marius Barbeau
Herbert Berliner
à la Compo, années
1920 circa

Disque Starr
Gennett

Enveloppe
avec une promtion des aiguilles HMV
Publicité
de Pratte, 1919
* Photographies des
collections de la Phonothèque québécoise, de
Bibliothèque et Archives
nationales du Québec, des archives des studios et des archives
personnelles des
invités
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